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lundi 2 février 2015

La justice est-elle vraiment gratuite ?

Difficile de parler de droit et de justice sans évoquer ce que coûte la justice à ceux et celles qui, un jour, y sont confronté. Lorsque l'on imagine faire un procès ou se défendre devant un Tribunal, on imagine tout de suite que ça va faire mal à notre portefeuille. Pourtant, certains vous diront qu'il existe un principe de gratuité de la justice et que, sur ce plan, la France est sans doute mieux lotie que d'autre pays. Alors, la gratuité de la justice est-elle un mythe ou une réalité ?

Vous y croyez vous à la justice gratuite ?
D'abord, il faut s'entendre ! Oui, la justice est dite "gratuite" mais ça ne signifie pas que cela ne vous coûtera rien. Vous me direz qu'en écrivant ça, je dis tout et son contraire ... et vous n'auriez pas tort. Lisez donc jusqu'au bout, et vous comprendrez mieux ... non, mais, on va pas vous mâcher le travail quand même !

En effet, depuis une loi de 1977, les actes de justices sont gratuit ce qui signifie que vous n'aurez pas à payer pour qu'un juge puisse examiner votre affaire et rende un jugement. Toutefois, ce principe connait et a connu des exceptions (normal quoi, puisqu'en droit il n'y a pas de principe sans exceptions... sinon, ce serait beaucoup trop simple). Il n'y a pas si longtemps, en 2011, un loi de finances rectificative avait créée un article 1635 bis Q dans le Code Général des Impôts prévoyant que pour toute action en justice devant les tribunaux civils, commerciaux, prud'homaux, ruraux et administratifs (bref, tous les tribunaux sauf  en matière pénale), il faudrait débourser 35 €. Cela s'appelait la "contribution pour l'aide juridique" ou encore le "droit de timbre" et nombreux furent ceux qui estimèrent que cela sonnait le glas de la justice gratuite. Finalement, depuis janvier 2014, cette "taxe" a été supprimée.

Mais, ne vous réjouissez pas trop vite car il existe encore des domaines où l'accès à la justice suppose de mettre la main au portefeuille. 

C'est notamment le cas lorsque vous décidez de faire appel (dans des matières où l'avocat est obligatoire) Pour faire appel, depuis 2009, vous deviez débourser 150€, mais comme tout augmente Ma Bonne Dame, depuis le 1er janvier 2015, ce montant est désormais de 225€ (si, si, allez voir l'article 1635 bis P du code général des impôts si vous ne me croyez pas). Avant de crier au scandale, rappelez vous tout de même que jusqu'en 2012, lorsque vous deviez aller devant la Cour d'Appel, vous deviez être représenté par un avoué dont les honoraires étaient largement supérieurs à 200€.

Humour juridiqueEt puis, de manière générale, dès que vous faites appel à un avocat (soit parce que c'est obligatoire, soit parce que vous savez bien que vous n'arriverez pas à vous défendre seul), l'accès à la justice devient payant et souvent assez cher d'ailleurs. Les honoraires d'avocat constituent généralement le plus gros des dépenses que vous aurez à faire pour agir en justice mais, ce ne sont pas les seuls frais.

Parfois, il est nécessaire de faire appel aux experts (pas ceux de Manhattan, mais ceux qui travaillent avec la justice) pour donner un avis technique sur telle ou telle question. Dans ce cas, celui qui a saisit le Tribunal va devoir faire l'avance des frais d'expertise ce qui, selon la complexité de l'affaire, peut représenter plus milliers ou dizaine de milliers d'euros.

Bon, là vous vous dites que rien que pour saisir un Tribunal, et avant même d'avoir obtenu un jugement, la justice vous coûte cher... mais ce n'est pas fini, fieffé gredin, il va falloir en donner toujours  plus !

Et, oui quand enfin un jugement est rendu vous pouvez non seulement être condamné à payer des dommages intérêts ou diverses indemnités à votre adversaire, mais en plus, vous risquer d'avoir à payer une somme "au titre de l'article 700" sans compter que vous serez peut-être "condamné aux dépens". Mais qu'est ce que c'est encore ?

L'article 700 du Code de procédure civile (ou l'article 475-1 du Code pénal en matière pénale) concerne pour l'essentiel les frais d'avocat de votre adversaire que vous devrez payer en plus de ceux de votre propre avocat (ça vous apprendra !). Quant aux dépens, j'en ai parlé dans un précédent billet auquel je vous renvoi (je vais tout de même pas expliquer deux fois la même chose), en vous disant seulement que ça vous allégera encore de quelques billets.

Finalement, peut-on dire que la justice est gratuite ? Franchement, pour la plupart des justiciables, la réponse est négative, d'autant que même lorsque vous gagnez votre procès, il est très fréquent que vous n'obteniez pas le remboursement de l'intégralité des sommes que vous aurez avancées.

Il existe cependant des exceptions (et, oui encore des exceptions !). C'est le cas, par exemple, des personnes qui bénéficient d'une assurance protection juridique grâce à laquelle les frais seront payés par l'assurance, mais ça n'est pas gratuit puisque vous payez tous les mois une cotisation d'assurance. L'autre cas concerne les personnes les plus démunies dont les revenus sont faibles et qui pourront normalement bénéficier de l'aide juridictionnelle c'est-à-dire que les frais du procès seront pris en charge par l'Etat.

Alors, vous y croyez encore à la gratuité de la justice ?

vendredi 26 décembre 2014

Comment ne pas vous inciter à installer un détecteur de fumée ?

vendredi 26 décembre 2014 | Tags: , Ajoutez un commentaire
Au détour de mes lectures, je me suis rappelé que, il y a cinq ans, le législateur avait voté une loi datant du 9 mars 2010 afin que tous les logements soient équipés d'un détecteur de fumée. Un décret de 2011 imposait que ces détecteurs soient installés avant le 8 mars 2015. Il reste donc peut de temps et, manifestement, on est très loin du compte car, avouez-le, que vous soyez locataire ou propriétaire, vous n'avez pas encore de détecteur chez vous ! Et chez vos amis, vos voisins, vous en avez vu ? 


Détecteurs de fumée, une obligation sans sanction
Alors bien sur, je me suis dit que notre législateur avait dû prévoir toute une série de mesure pour vous contraindre ou vous inciter à vous équiper. Parce que je suis fainéant et que je n'avais pas envie de me farcir la lecture (passionnante ?) des lois et décrets sur le sujet, je me suis d'abord rabattu sur des sites de presses généraliste et quelques sites juridiques, mais j'avoue que pour l'essentiel je n'y ai trouvé que des réponses à des questions que je ne me posaient pas telles que : Quels sont les logements concernés ? Quand s'équiper ? Qui Paie ?  Quel détecteur choisir ?

Oh désespoir, je me voyait donc contraint de me plonger dans les textes, avec le risque évident de me noyer dans les méandres de lois et décrets généralement plus inintelligible les uns que les autres. Mais, bravant la mort, et prenant mon courage à deux mains, je m'y suis attelé...

La première chose que j'ai recherché était de savoir s'il était prévu des sanctions pour vous inciter à avoir un détecteur. La réponse est simple non. La loi se contente de dire que c'est obligatoire et initialement il était prévu que l'installation soit à la charge de l'occupant (donc le locataire pour les logements loués), puis la loi ALUR de 2014 a fait peser cette obligation sur le propriétaire (qui devra donc fournir ou rembourser le détecteur).

Les guignols du droit
Ne voyez dans cette image aucun
jugement sur le comportement de notre
législateur ... c'est juste une illustration
de ce qui fonctionne généralement pour
inciter les gens à faire les choses :
la peur du bâton !
D'accord, mais que ce passe-t-il s'il ne le fait pas ? Puisque les textes ne prévoient rien, cela signifie que ce seront les tribunaux qui pourront sanctionner s'ils sont saisis par les locataires qui pourront ainsi obtenir le remboursement du détecteur qu'ils auront acheté ou faire condamner le propriétaire sous astreinte à faire l'installation (ne rêvez pas, amis locataires, nous ne sommes pas aux Etats Unis et vous n'obtiendrez jamais 1 million d'euros dans ce genre de procès !). Tout cela est bien gentil, mais on parle là d'un appareil qui coûte quelques euros ou quelques dizaines d'euros. Or, saisir la justice coûte cher et en plus cela prend du temps. Et puis, la menace d'une action en justice ne concernerait pas les personnes qui sont propriétaires de leur logement.

Puisque les textes ne parlaient pas de sanction, je me suis dit qu'il y avait peut être une mesure qui toucherait le portefeuille, ce qui généralement est assez incitatif. Bien évidement, rien n'est dit explicitement, mais j'ai suivi la piste de l'assurance habitation. La loi dit que l'occupant doit informer son assureur de l'installation du détecteur. Donc, comme vous êtes de bon citoyens, vous allez vous exécuter. Mais pour les mauvaises têtes ou les étourdis, que va-t-il se passer ?
  • Y aurait-il a un impact sur le montant de la prime d'assurance ? Le texte prévoit que l'assureur peut minorer votre primes d'assurance incendie si vous l'avez prévenu de l'installation. Donc si vous n'avez pas de détecteur ou si vous avez juste oublié de prévenir votre assureur, pas de baisse de prime. Vous aurez tout de même noté que la minoration de la prime n'est qu'une possibilité, c'est à la discrétion de votre assureur ... et, il y a fort à parier qu'ils ne s'empresseront pas de diminuer la prime, d'ailleurs dans un article de 60 millions de consommateurs, il est clairement indiqué que "aucun assureur ne s’est engagé dans cette voie"... étonnant, non ?
  • Est ce que vous serez moins, ou pas, indemnisé en cas de sinistre ? Là, les choses sont claires puisque la loi prévoit que l'assureur ne peut pas refuser de vous indemniser pour défaut d'installation, d'entretien ou parce que vous aviez oublié de déclarer d'installation.
  • Va t-on vous appliquer une franchise ? Dans le projet de loi initial, il était prévu que l'assureur puisse appliquer une franchise de 5000€ sur l'indemnités que vous pourriez recevoir en cas d'incendie. Finalement, cette mesure a été retirée mais de nombreux site de vendeurs de détecteurs, mais aussi des assureurs, évoquent toujours cette franchise. Soit ils sont mal informés, soit plus cyniquement, il essayent de vous faire peur en pensant que cela vous amènera à vous équiper. .
J'en suis donc arrivé à la conclusion que si notre législateur n'a rien prévu pour vous inciter à installer votre détecteur, c'était peut-être parce qu'il compte sur notre intelligence. Mais là, je me suis rappelé qu'il n'y avait que trois choses qui poussent l'être humain à faire les choses : la peur, l'argent et le sexe. Puisque les textes ne prévoient ni sanction, ni mesure financière incitative, il nous reste qu'une seule piste à explorer mais, avouez-le, un détecteur de fumée ça n'a rien de très sexy !

mercredi 22 octobre 2014

Faire financer son procès par le public : le crowdfunding judiciaire

Le crowdfunding, que l'on désigne en français par le terme "financement participatif", consiste à faire financer son projet par le biais de dons, de prêts ou d'investissements en capital en faisant appel au public. On en parle souvent concernant des projets artistiques (financement d'un album, d'un film...) ou commerciaux (financement d'un produit ou d'un service), mais désormais le virus touche aussi la justice. Et oui, récolter des fonds pour lancer une action en justice, ça va devenir tendance !

Le crowdfunding judiciaire
L'objectif serait de demander au public de faire des dons ou des prêts afin de financer un procès, notamment les honoraires d'avocat. Dans l'absolu, ce système parait intéressant car il faciliterait l'accès à la justice en permettant aux justiciables de s'engager dans une action judiciaire lorsqu'ils n'ont pas assez de moyens ou qu'il ne peuvent pas bénéficier d'une aide juridique (assurance protection juridique ou aide juridictionnelle). A première vue, pas de quoi râler donc !

Toutefois, plusieurs interrogations traverse mon esprit malade:

En premier lieu, ne vous leurrez pas, toutes les actions judiciaires ne pourront pas être financées via le crowdfunding. Plusieurs plateformes existent. En France, il y a par exemple le site Citizencase pour les associations défendant l’intérêt collectif dans les domaines de l’environnement et de la santé. Le site Wejustice (qui va être lancé au mois de novembre) concernera les actions judiciaires ayant un caractère solidaire ou collectif et le site ActionCivile s'adresse uniquement aux victimes de pratiques commerciales abusives ou illicites dans le domaine bancaire. Parfois, des sites de crowdfunding généralistes permettent de faire financer son procès comme ces parents d'élèves qui recherchent des fonds pour payer un avocat dans le cadre de leur lutte contre la ville de Marseille pour obtenir une garderie.

On voit donc que le crowdfunding ne concerne pas tout type d'action judiciaire, ce qui signifie qu'il y a une forme de sélection des "affaires" qui méritent d'être défendues. Certains domaines sont exclus et, en plus, il faut que le plaignant se présente comme une victime (qu'il le soit réellement ou qu'il pense l'être) d'un adversaire qui serait plus puissant, plus fortuné... Pour filer la métaphore, le crowdfunding serait ouvert à David dans son combat contre Goliath, mais si vous voulez combattre les nuisances sonores de votre méchant voisin, là il faudra vous débrouiller seul.

Le crowdfunding judiciaire
De gauche à droite : 
  • procès de M. Michu contre sa voisine qui laisse aboyer ses chiens toute la journée (pas financé car M. Michu il est pas beau et le chien de sa voisine il est trop mignon, le toutou à sa maman !)
  • action contre Apple pour concurrence déloyale (pas financé car les gens aiment trop leur iPhone pour faire la guerre à Apple), 
  • procès d'une victime de l'amiante (pas financé car c'est pas vendeur des gens malades qui toussent)
  • procès de l'Erika (pas financé car ça ne concerne que des oiseaux mazoutés et aucun bébé phoque)
  • action contre un méchant éleveur de chatons martyrisés (financé: la justice va pouvoir faire son oeuvre car les chats sur internet c'est vendeur)
Bien sûr, le but annoncé des plateformes de crowdfunding judiciaire est de rétablir l'équilibre entre les pauvres victimes qui n'ont pas de moyens et des méchantes sociétés. C'est gentil ça, non ? Sauf que rien n'empêchera quelqu'un qui a les moyens de financer lui même son action de faire appel au public car, a priori, on vous demandera pas de fournir votre avis d'imposition.

Tout cela n'est finalement pas bien grave en fait. Le principal problème d'un tel système c'est qu'elle va surtout favoriser des actions "vendeuses", qu'elles soient ou non justifiées. Tout dépendra de la capacité à se présenter sous un jour avantageux en présentant des arguments convaincants, même s'ils ne sont étayés par aucune preuve. Cela signifie que si la "victime" communique mal, n'est pas suffisamment convaincante, ou que son litige n'intéresse pas le plus grand monde, elle n'obtiendra pas de financement ... car c'est tout ou rien. Il faut donc que la cause plaise et, pour cela, il faudra faire une véritable campagne de communication (sur internet, dans la presse ...) pour vendre sa cause !

N'est-il pas dangereux que le crowdfunding judiciaire repose sur la capacité à communiquer ? Cela e risque-t-il pas de mener  à une forme de marketing judiciaire où seront financées les actions qui plairont au public ?

vendredi 11 juillet 2014

Statut de l'animal : Le ver-de-terre et le rat, des animaux sensibles !

vendredi 11 juillet 2014 | Tags: , , 4 commentaires
Vous avez sans doute entendu les médias se féliciter du fait que, désormais, le Code civil cessait de considérer les animaux comme des meubles en leur reconnaissant le statut d’être doué de sensibilité. Que ce soit dans Libération ("Les députés valident le changement de statut des animaux") ou le Figaro ("Les animaux ne sont plus des «meubles»"), l'information a bien évidemment été diffusée de manière incomplète avec des raccourcis inexacts...

pigeon, chat, rat, serpent, lombric ... des animaux sensibles
Désolé pour les amoureux des bêtes, mais le petit toutou à sa mémère ou le mignon chaton sont toujours considérés comme des meubles ! Un chien ou une table, un chat ou une voiture ... même combat ou presque. En effet, le projet de loi (qui n'est toujours pas en vigueur contrairement à ce que laissaient entendre la plupart des journaux) ajouterait uniquement au Code Civil un article qui serait rédigé ainsi :
Art. 515-14. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels.
Il faut savoir que ce texte est apparu à la suite d'un amendement déposé le 11 avril 2014 devant l'assemblée nationale dans le cadre de l'examen d'un projet de loi sur la "modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures". Aucun rapport avec les animaux me direz vous... et vous auriez raison. Parler de la sensibilité des animaux n'a pas grand chose à voir avec la modernisation ou la simplification du droit... mais bon, l'essentiel n'est pas là !

Tout d'abord, comme le souligne assez justement Me Eolas dans un article consacré au sujet, ce texte n'a rien de nouveau puisque le Code rural indique déjà dans son article L214-1 que l'animal est "un être sensible". Contrairement à ce que vous annonçaient vos hebdomadaires préférés, il n'y a donc aucune nouveauté !

Une loi pour rendre les animaux sensibles
@alapucealoreille
Ensuite, si ce texte entrait en vigueur un jour, il mériterait d'être décortiqué :
  • premièrement, le texte vise tous les animaux. Il n'y a donc aucune distinction entre animal domestique, d'élevage ou sauvage. Donc, le chien, le cochon et le loup sont tous considérés comme des bébêtes sensibles ! Et puis, j'ai arbitrairement pris l'exemple de trois mammifères, mais j'aurais pu aussi bien parler de poissons, d'araignées, d'oiseaux ou d'insectes qui sont tous des animaux ... je frémis en pensant à la sensibilité d'une truite, d'une vipère, d'un pigeon ou d'un ver-de-terre !
  • deuxièmement, le texte explique qu'un animal est un être vivant. Quelle révélation ! On se doute bien qu'un animal mort est beaucoup moins sensible (pour autant le texte n'encourage pas la zoophilie nécrophile).
  • troisièmement, et c'est là l'essentiel semble-t-il, l'animal est considéré comme ayant une sensibilité. D'accord, mais cela signifie quoi ? Selon le Larousse, le terme "sensibilité" désigne aussi bien une "aptitude à réagir à des excitations externes ou internes" qu'une "aptitude à s'émouvoir, à éprouver des sentiments d'humanité, de compassion, de tendresse pour autrui". Alors de quoi parle-t-on ? De l'intelligence de l'animal, de sa capacité à avoir des sentiments ou seulement du fait qu'il peut capter un stimulus et y répondre. Pour le savoir ... passez votre chemin, le texte ne nous en dira pas plus !
Bref, un texte qui n'a rien de nouveau et qui apporte finalement aucun changement au statut de l'animal : on est bien loin de la révolution annoncée par les médias. Et puis, rappelons que pour l'instant le texte n'est pas définitivement adopté d'autant que parallèlement, fin avril 2014, un certain nombre de députés ont déposé une autre proposition de loi visant à accorder un statut juridique particulier à l’animal. Il est donc probable que des débats passionnés ne manqueront pas de se poursuivre à l'assemblée et au sénat.

dimanche 29 juin 2014

OGM : pourquoi la France interdit-elle le maïs génétiquement modifié ?

Vous ne savez pas de quoi parler en soirée, alors lancez le mot d'OGM (Organisme Génétiquement Modifié) et vous verrez que la discussion s'enflammer entre les pro et anti. Les OGM font partie de ces sujets qui, comme le nucléaire, l'IVG ou autres, suscitent des débats passionnés qui déviera immanquablement sur la notion de principe de précaution très à la mode de nos jours. Vous aviez peur, alors ne tremblez plus car votre législateur a pensé à votre santé en interdisant la culture du maïs génétiquement modifié.

Le maîs OGM interdit ... sauf à la consommation
Nos parlementaires ont voté le 2 juin 2014 dernier une loi sur le maïs génétiquement modifié (vous savez ces OGM qui font peur !) qui dit :
La mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié est interdite.

Le respect de l'interdiction de mise en culture prévue au I est contrôlé par les agents mentionnés à l'article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime. Ces agents disposent des pouvoirs prévus aux articles L. 250-5 et L. 250-6 du même code. En cas de non-respect de cette interdiction, l'autorité administrative peut ordonner la destruction des cultures concernées.
Première chose admirable, cette loi est particulièrement courte ... ce qui est très rare en ces temps d'inflation législative où les titres des textes sont parfois plus long que cette loi. Eh, oui, sous vos yeux ébahis, vous avez dans le paragraphe ci-dessus l'intégralité de la loi. Pas plus de quelques lignes, c'est exceptionnel !

Bon, bien entendu, nos législateurs n'ont pas pu s'empêcher de mettre une phrase renvoyant à d'autres articles d'un obscur Code rural et de la pêche maritime (si, si, il existe), histoire de s'assurer quand même que le citoyen qui lira attentivement le texte ne comprenne pas tout du premier coup. Non, c'est vrai quoi, il ne faudrait pas que le droit devienne trop compréhensible, les gens risqueraient alors de comprendre les lois et n'hésiteraient peut être pas à se forger une opinion critique ce qui, admettez-le, serait vraiment mal venu car il faudrait alors tenir compte de leurs avis... comme dans une démocratie où le peuple est souverain.

J'arrête là mes railleries et intéressons-nous un peu au fond ! L'idée n'est surtout pas de débattre sur le fait de savoir si l'on est pour ou contre les OGM ... et je vous invite, si l'envie vous en prend, à écouter l'excellent podcast Science qui parle de ce sujet dans son épisode 169 ainsi que dans un complément apporté dans l'épisode 172.



Que l'on soit favorable ou non aux OGM, ce qui est intéressant ce sont les raisons invoquées et/ou cachées qui ont motivées ce texte.

Tout d'abord, pourquoi s'être uniquement attardé sur le maïs ? Les autres légumes et plantes n'ont pas le droit à leur texte de loi, mais c'est injuste ça ! C'est de la discrimination légumière ! Avant de vous indigner et de descendre dans la rue pour manifester, sachez qu'en fait la raison première de cette loi spéciale maïs est la conséquence de décisions du Conseil d'Etat ayant annulé des arrêtés du Ministère de la Culture qui interdisaient la mise en culture d'une variété de maïs OGM produit par la société Monsanto (les pls courageux iront peut être lire l'arrêt du 28 novembre 2011, et celui du 1er août 2013 ... si vous le faites, vous aurez un bon point). 

Le danger des OGM ?
Quand on vous disait que les OGM c'est dangereux :
voyez un peu le résultat ... bouhhhh, ça fait peur !
(image venant d'un site américain légèrement
conspirationniste et, bien, sur opposé aux OGM
En résumé, la situation était la suivante : la Cour de Justice de l'Union Européenne considère que pour interdire l'utilisation d'un maïs OGM, les état Etats membres doivent "démontrer, outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement" (parce que je suis gentil,je vous renvoie au communiqué de presse de la Cour [pdf] et pas à l'arrêt lui même). Faute d'une telle preuve, le Conseil d'Etat a donc annulé les interdictions ... et le législateur a alors décidé de ce saisir du dossier en faisant cette fois ci une loi (ce qui est tout de même plus important qu'un simple arrêté ... bah oui ma bonne dame, un arrêté ça vient d'un ministre, alors que la loi c'est le Parlement et donc l'expression de la volonté du peuple, c'est quand même plus sérieux).

Je vous entends déjà me demander si cette loi interdisant le maïs OGM ne serait pas contraire aux conditions posées par la Cour Européenne ! Eh bien, dans la mesure où la Cour a estimé qu'il fallait démontrer un risque manifeste pour la santé, la réponse est oui. Cela est d'ailleurs expressément reconnu tant par les députés que les sénateurs : 
  • dans le rapport du sénat [pdf], on peut ainsi lire que "l’exploitation des maïs génétiquement modifiés présente des risques mal évalués sur le plan sanitaire et environnemental, sans comporter d’avantages économiques prouvés qui soient aujourd'hui suffisants. La mise en culture de ces variétés ne présente aucun caractère d’urgence qui justifierait de s’affranchir de tests plus approfondis. C’est ce qui justifie le dépôt et l’examen de la présente proposition de loi."
  • et le rapport de l'assemblée nationale précise "quant à l’impact à très long terme sur la santé et sur le patrimoine génétique des espèces consommatrices d’OGM, y compris nous-mêmes, il demeure pour l’essentiel, inconnu – ce qui, au nom du seul bon sens, appelle l’application du principe de précaution."

Principe de précaution, 
quelle logique ?

Le principe de précaution pour les OGM, mais pas pour le tabac
Maïs : un doute sur le risque,
donc on interdit !
Cigarette : aucun doute sur les
risques, donc on autorise !
On voit donc qu'il y a là deux attitudes opposées : l'Europe exige la preuve d'un risque, alors que la France exige la preuve d'une absence de risque en se prévalant du principe de précaution inscrit dans la charte de l'environnement (article 5) qui a valeur constitutionnelle.

Qui a raison et qui a tort ? Ce sont deux approches qui ont toutes deux leur logiques, leurs avantages et inconvénients. En revanche, ce qui est sûr c'est que la France risquait une nouvelle fois d'être en infraction avec l'Union Européenne (et, hop, une condamnation de plus en perspective), ce qui explique sans doute pourquoi elle a œuvré pour que l'Europe vote une loi laissant chaque Etat libre d'autoriser ou non les OGM (la loi n'est pas encore voté à ce jour).

Pour finir, j'aimerais attirer votre attention sur une petite subtilité. La loi interdit de cultiver du maïs génétiquement modifié, mais en revanche il est possible d'en importer et d'en vendre dans des produits que vous consommez puisque cela est autorisé pour une trentaine de variétés de maïs, du soja, du colza... Donc, on ne peut pas en produire car c'est risqué pour la santé, mais en revanche pas de problème pour en manger ! Si on importe des OGM pour notre consommation c'est que cela a été jugé sans danger donc pourquoi ne pas les produire nous même plutôt que de les importer ?

J'avoue que je comprends beaucoup moins bien le principe de précaution !

dimanche 8 juin 2014

Simplement droit Ep. 1 - la vulgarisation du droit


Oyez oyez bonne gens, voici le premier épisode du podcast Simplement droit, le podcast qui vous rend moins hermétique au droit. Cette émission aborde des sujets de droit avec pour objectif d'informer et s'informer, partager et échanger sur un domaine qu'il faut désacraliser en rendant le droit accessible.

N'hésitez pas à télécharger cet épisode si vous voulez l'écouter plus tard, dans votre voiture ou dans les transports en commun, quand et où vous voulez en fait. En plus, écouter est moins fatiguant que lire alors profitez-en !

Au menu de cet épisode



Dossier : La vulgarisation du droit

Le droit est-il suffisamment accessible et intelligible ? Sa complexité ne nécessiterai-t-elle pas un effort de vulgarisation afin de le rendre plus compréhensible pour l'ensemble des citoyens ? Est-il possible de répondre à ces questions ? ... autant d'interrogations qui sont abordées dans ce dossier !

Pour aller plus loin, n'hésitez pas à jeter un coup d'œil sur ces sources d'informations :

Citation : "C'est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir", Mémoires d'outre-tombe, François-René de Chateaubriand

Le mot barbare du jourlitispendance


*  *  *

Simplement droit, le podcast

Si vous avez des suggestions, des critiques, des remarques ... bref, si vous avez quelque chose à dire, et bien n'hésitez pas le faire, réagissez ! Et puis, si vous voulez être tenu au courant des nouveaux épisodes de ce podcast alors, rien de plus simple :

mardi 18 mars 2014

Nul n'est sensé ignorer la loi

Malgré la multiplicité des normes juridiques, nul ne peut invoquer l’ignorance d’une loi pour échapper à une sanction. Pourquoi ? Parce que, sinon, ce serait la fin de la justice, de la cohésions sociale et de l’égalité entre les citoyens. Voilà comment justifier cet adage pourtant contraire au bon sens.

Le droit c'est du chinois
J'hésite : apprendre le droit ou bien le chinois ! L'un comme
l'autre me sont énigmatiques et j'ai beau essayer, je n'y comp-
-rend rien... Oh cruel dilemme !

Certains croient pouvoir échapper à la loi en prétendant qu'ils ne savaient pas, qu'ils ignoraient qu'une règle juridique leur interdisait de faire telle ou telle chose.... Ah les naïfs !
- Je ne savais pas moi M'ssieur l'Juge qu'il fallait déclarer ses impôts. J'ai jamais rien reçu du Trésor Public.
- Ce n'est pas une excuse, Monsieur Phylou, vous n'avez jamais entendu l'adage : "Nul n'est sensé ignorer la loi" venant de l'idiome latin "nemo censetur ignorare legem" ?

Sans qu'il ait eu le temps de répondre, le juge le condamna sévèrement pour sa mauvaise foi évidente car, bon, hein, non mais, il le savait forcément que le citoyen n’a pas le droit de ne pas connaître la loi.

C'est donc avec un petit rictus satisfait et le sens du devoir accompli que le juge fit appeler l'affaire suivante qui allait voir un prétendu "ignorant" des lois passer sous les fourches caudines de la justice (vous noterez la subtile référence latine à la bataille du même nom, vraiment ce juge à des références !). Comment osent-t-ils, tous ces sacripants feindre l'ignorance alors qu'il leur suffirait de connaître les 68 codes juridiques (composés de plusieurs centaines, ou plusieurs milliers d'articles) ainsi que quelques centaines de milliers de textes non codifiés (lois, décrets, ordonnances, arrêtés, circulaires), sans compter les règles édictées par les tribunaux eux-mêmes dans leur jurisprudence.

Oui, mais là, attention, je crois que ce juge se trompe. En effet, le formidable site vie-publique.fr (édité par la Direction de l’information légale et administrative) vient nous expliquer dans un non moins brillantissime article que :
"Ce célèbre adage ne signifie pas que tout citoyen est censé connaître l’ensemble des textes législatifs et réglementaires..."
Ouf, il ne s'agit donc pas de tout savoir ! Et pourtant on nous précise que sans ce principe :
"... il suffirait à toute personne poursuivie sur le fondement d’une loi d’invoquer (et même de prouver) son ignorance du texte en cause pour échapper à toute sanction. Le Conseil constitutionnel, conscient de ce problème, a dans une décision de 1999 créé un nouvel objectif de valeur constitutionnelle : l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi." 
Donc, on n'est pas obligé de savoir qu'une règle existe mais si on la viole sans le savoir, et bien, on est sanctionné... C'est beaucoup plus clair, non ? Heureusement, le Conseil Constitutionnel nous dit que vous ne serez sanctionné que si la loi est ...
  • accessible : c'est-à-dire que vous puissiez facilement la consulter (l'abonnement au journal officiel devrait être obligatoire car quand même c'est plus agréable à lire que le Canard Enchaîné, et puis pour les plus branchés, rien de tel que la lecture de la newsletter d'un site d'information juridique le matin en buvant le café)
  • et intelligible : la loi doit-être compréhensible (bon il n'est pas précisé qu'elle devait être comprise, ni qu'elle devait être compréhensible par tous, sinon là, cela ne concernerait plus qu'une poignée de personne ... je dis pas ça pour vous, évidemment)
Un exemple, la capitalisation des intérêts. Je sais c'est barbare dit comme ça, mais l'article 1154 du Code Civil qui prévoit cette règle est "intelligible" : 
"Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière." (article 1154 du Code Civil)
C'est quand même plus clair, non ? Et puis vous pourrez pas dire que vous ignoriez l'existence de texte car il est en vigueur depuis 1804, donc pas la peine de dire que vous n'aviez pas lu le journal officiel depuis une semaine. Pour ceux qui feindraient de ne pas comprendre ce texte parfaitement compréhensible pourtant, il s'agit du fait que lorsque vous deviez une somme augmentée des intérêts légaux, et bien au bout d'une année, si vous n'avez pas tout payé, vous devrez non seulement la somme restante et les intérêts, mais aussi des intérêts calculés sur les intérêts déjà dus.

Finalement, notre juge passionné de latin avait raison, le prévenu était coupable même s'il ignorait la loi et même s'il ne l'avait pas comprise. Bien fait ! 

pages prec. suiv.