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jeudi 19 février 2015

Dans l'univers étrange du tribunal de commerce !

La justice est souvent un monde étrange, avec des règles et des codes qui échappent au commun des mortels (oui, je parle de vous, justiciable qui n’avez encore jamais eu l’occasion d’être confronté à des juges). Un bon exemple est celui des ésotériques audiences de mise en en état devant le Tribunal de Commerce. Comme de longs discours sont moins efficaces qu’une illustration, voici (sous vos yeux ébahis et pleins d’admiration … modestie, ça veut-dire quoi ?) la journée type d’un novice qui se rendrait pour la première fois devant la juridiction consulaire (pour ceux qui l’ignorent, c’est une autre manière de dire Tribunal de Commerce et puis ça m’évitais une répétition).

Les lois sont complexes, mais le langage des juges l'est tout autant
*
*     *

Voilà des semaines que vous attendiez et voilà, enfin, vous allez assister à votre première audience du Tribunal de Commerce. Cette fois vous espérez bien que votre fieffé gredin d'entrepreneur et son assureur vont payer, et ils ont beau dire que ce ne sont pas leurs travaux qui ont causé la fuite qui a inondée votre boutique, toutes les preuves sont contre eux !

Voilà 6 mois que l'incident a eu lieu et toutes vos tentatives de négociations amiables n'ayant pas abouties, vous aviez décidé de saisir le Tribunal. Comme vous êtes sûr de votre bon droit, vous vous étiez dit que vous n'alliez pas prendre un avocat, d'autant que ça n'est pas obligatoire. Vous aviez donc trouvé sur internet un joli modèle d'assignation et vous aviez demandé à un huissier de la signifier à vos adversaires ! 

Depuis, vous avez attendu avec impatience ce jour et, ce matin, vous vous êtes levé confiant. Après avoir avalé votre café, vous avez attrapé votre dossier avec tous les documents prouvant que si vous avez dû fermer la boutique pendant plus de 2 mois c'est uniquement la faute de ce chauffagiste qui, en refaisant votre installation, a percé la tuyauterie causant des dégâts considérables, avec des travaux de réparations faramineux sans compter une perte de chiffre d'affaire qui vous met, aujourd'hui encore, dans l'embarras.

Tribunal de commerce
Je me demande bien pourquoi ce justiciable
a l'air si déprimé à l'idée d'assister à une
audience du tribunal de commerce ? 
Arrivé au tribunal, vous vous sentez un peu inquiet.

Pour l'instant, vous n'avez pas aperçu votre adversaire mais bon, c'est peut être mieux comme ça et puis il est seulement 9h15 et l’audience ne commence que dans un quart d’heure. Vous vous dirigez vers la salle d'audience dans laquelle il y a déjà pas mal de monde, et surtout vous voyez que les premiers rangs sont occupés par les hommes en noir (non, pas les Men In Black, mais les avocats drapés dans leurs robes !). Vous avancez un peu dans la salle et finissez par vous asseoir derrière un avocat à qui vous tentez d'adresser la parole :

-    Excusez-moi, Maître ? Est-ce que vous savez dans quel ordre passent les affaires ?   
-    Oui, bien sûr ... regardez le rôle !
Et là, il vous tourne ostensiblement le dos, en saluant l'un de ses confrères. Vous comprenez qu'il n'est pas utile d'insister, mais fort heureusement, vous entendez l'un de vos voisins dire qu'il était en "40ème position sur la liste".

-    Pardon, je vous ai entendu parler d'une liste des affaires, est-ce que vous savez où...    
-    Oui, oui, regardez juste à gauche de l'entrée de la salle, c'est affiché sur des panneaux.

Vous sortez rapidement de la salle et vous apercevez effectivement 4 grands panneaux de plus d'un mètre de haut sur lesquels figurent des dizaines de feuilles. Evidemment, les affaires ne sont pas listées par ordre alphabétique et c'est donc après plus de 5 minutes que vous découvrez que vous êtes la 132ème affaire avec le numéro 2015033422.

Vous sentez déjà que ça va être long, mais bon, depuis le temps que vous attendez que votre affaire soit jugée.

Comment s'organise le tribunal de commerce
Avec leurs robes noires, ils se ressemblent tous
au Tribunal de commerce !
Soudain, une sonnerie retentit, tout le monde dans la salle se met debout (ce qui vous rappelle votre scolarité) et trois juges s’installent, derrière le grand bureau situé en hauteur (est-ce que ça veut dire que les juges regardent les justiciables de haut ?). Il y en a un autre qui s’assoit tout seul à droite (bon, en fait lui n’est pas juge, c’est le greffier mais bon comme il est habillé comme les autres, difficile de le distinguer) et, sans plus de cérémonie, il appelle une première affaire :
« 2014012543 ... Société Cominex contre l’URSSAF»

Deux avocats s’approchent des juges :
-    Monsieur le Président, je dépose des conclusions…, dit l’un,
-    … je souhaite pouvoir y répondre, continue l’autre.
-    Pour réplique, annonce le juge situé au centre.

Et tout ce petit monde retourne à sa place pendant que le greffier annonce une deuxième affaire. Là, pour être honnête, vous n’avez pas bien compris ce qui s’était passé… et malheureusement ça ne va pas s’arranger.

Les affaires défilent avec des avocats qui ne disent pas plus de trois mots et un juge qui répond avec des phrases sibyllines du genre : « Pour communication », « Pour conclusions », « Pour solution », « A l’audience de Monsieur Lerni ».

Mais de quoi parlent-ils ?!? Et puis, pourquoi chaque dossier ne dure que quelques secondes sans que les avocats ne plaident pas ? Plus vous voyez les affaires défiler, plus vous avez l’impression d’être tombé dans un monde étrange avec des habitudes et des codes obscurs.

Après plus d’une heure, vous entendez enfin le nom de votre société et vous vous levez rapidement, votre dossier complet en main. Vous avancez vers les juges tout en réalisant que, sur votre gauche, un avocat s’est également approché. Les deux juges qui, depuis le début de la matinée n’ont presque jamais ouvert la bouche, semblent mourir d’ennui, mais le Président vous regarde quant à lui avec bienveillance. Avec, un grand sourire, il vous dit :

-    Bonjour Monsieur, vous êtes le gérant de la société ?
-    Oui !
-    Vous avez un Kbis et une pièce d’identité ?
-    … euh, oui, oui … attendez.

Heureusement que l’on vous avait prévenu ! Vous fouillez nerveusement dans votre dossier et tendez les documents demandés que le juge regarde brièvement avant de se tourner vers l’avocat :

-    Maître ?
-    Oui, Monsieur le Président, je viens d’être saisi et je n’ai pas les pièces de mon contradicteur !
-    Très bien, alors … renvoi pour communication !

Normalement, ça ne devrait pas vous faire rire ... ou alors c'est
que vous êtes juristes (je vous plains!)
Avec stupeur, vous voyez le juge refermer le dossier, l’avocat tourner les talons et retourner s’asseoir et, voyant votre perplexité, le juge se fend d’une petite explication :

   Monsieur, il faut adresser à l’avocat adverse toutes les pièces que vous entendez produire.
-    Mais, il les a déjà, je les ai envoyée à son client …
-    Oui, mais il faut les communiquer à l’avocat, Monsieur, c’est la procédure… affaire suivante !

Vous comprenez qu’il serait vain d’insister, alors vous rebroussez chemin d’un air penaud, ne comprenant pas très bien ce qui vient de se passer. En revanche, ce qui est sûr, c’est que votre affaire est loin d’être jugée !

*
*     *

Ah les joies des audiences de mise en état devant le Tribunal de commerce ! Je vous assure que je caricature à peine. Bon, comme ce billet est déjà un peu long (je suis bavard, je sais), je ne vais pas vous faire ici une explication de texte … ça fera l’objet d’un autre post … Et puis si vous vous sentez frustré, sachez que c’est volontaire … J’entretiens le suspense !

lundi 2 février 2015

La justice est-elle vraiment gratuite ?

Difficile de parler de droit et de justice sans évoquer ce que coûte la justice à ceux et celles qui, un jour, y sont confronté. Lorsque l'on imagine faire un procès ou se défendre devant un Tribunal, on imagine tout de suite que ça va faire mal à notre portefeuille. Pourtant, certains vous diront qu'il existe un principe de gratuité de la justice et que, sur ce plan, la France est sans doute mieux lotie que d'autre pays. Alors, la gratuité de la justice est-elle un mythe ou une réalité ?

Vous y croyez vous à la justice gratuite ?
D'abord, il faut s'entendre ! Oui, la justice est dite "gratuite" mais ça ne signifie pas que cela ne vous coûtera rien. Vous me direz qu'en écrivant ça, je dis tout et son contraire ... et vous n'auriez pas tort. Lisez donc jusqu'au bout, et vous comprendrez mieux ... non, mais, on va pas vous mâcher le travail quand même !

En effet, depuis une loi de 1977, les actes de justices sont gratuit ce qui signifie que vous n'aurez pas à payer pour qu'un juge puisse examiner votre affaire et rende un jugement. Toutefois, ce principe connait et a connu des exceptions (normal quoi, puisqu'en droit il n'y a pas de principe sans exceptions... sinon, ce serait beaucoup trop simple). Il n'y a pas si longtemps, en 2011, un loi de finances rectificative avait créée un article 1635 bis Q dans le Code Général des Impôts prévoyant que pour toute action en justice devant les tribunaux civils, commerciaux, prud'homaux, ruraux et administratifs (bref, tous les tribunaux sauf  en matière pénale), il faudrait débourser 35 €. Cela s'appelait la "contribution pour l'aide juridique" ou encore le "droit de timbre" et nombreux furent ceux qui estimèrent que cela sonnait le glas de la justice gratuite. Finalement, depuis janvier 2014, cette "taxe" a été supprimée.

Mais, ne vous réjouissez pas trop vite car il existe encore des domaines où l'accès à la justice suppose de mettre la main au portefeuille. 

C'est notamment le cas lorsque vous décidez de faire appel (dans des matières où l'avocat est obligatoire) Pour faire appel, depuis 2009, vous deviez débourser 150€, mais comme tout augmente Ma Bonne Dame, depuis le 1er janvier 2015, ce montant est désormais de 225€ (si, si, allez voir l'article 1635 bis P du code général des impôts si vous ne me croyez pas). Avant de crier au scandale, rappelez vous tout de même que jusqu'en 2012, lorsque vous deviez aller devant la Cour d'Appel, vous deviez être représenté par un avoué dont les honoraires étaient largement supérieurs à 200€.

Humour juridiqueEt puis, de manière générale, dès que vous faites appel à un avocat (soit parce que c'est obligatoire, soit parce que vous savez bien que vous n'arriverez pas à vous défendre seul), l'accès à la justice devient payant et souvent assez cher d'ailleurs. Les honoraires d'avocat constituent généralement le plus gros des dépenses que vous aurez à faire pour agir en justice mais, ce ne sont pas les seuls frais.

Parfois, il est nécessaire de faire appel aux experts (pas ceux de Manhattan, mais ceux qui travaillent avec la justice) pour donner un avis technique sur telle ou telle question. Dans ce cas, celui qui a saisit le Tribunal va devoir faire l'avance des frais d'expertise ce qui, selon la complexité de l'affaire, peut représenter plus milliers ou dizaine de milliers d'euros.

Bon, là vous vous dites que rien que pour saisir un Tribunal, et avant même d'avoir obtenu un jugement, la justice vous coûte cher... mais ce n'est pas fini, fieffé gredin, il va falloir en donner toujours  plus !

Et, oui quand enfin un jugement est rendu vous pouvez non seulement être condamné à payer des dommages intérêts ou diverses indemnités à votre adversaire, mais en plus, vous risquer d'avoir à payer une somme "au titre de l'article 700" sans compter que vous serez peut-être "condamné aux dépens". Mais qu'est ce que c'est encore ?

L'article 700 du Code de procédure civile (ou l'article 475-1 du Code pénal en matière pénale) concerne pour l'essentiel les frais d'avocat de votre adversaire que vous devrez payer en plus de ceux de votre propre avocat (ça vous apprendra !). Quant aux dépens, j'en ai parlé dans un précédent billet auquel je vous renvoi (je vais tout de même pas expliquer deux fois la même chose), en vous disant seulement que ça vous allégera encore de quelques billets.

Finalement, peut-on dire que la justice est gratuite ? Franchement, pour la plupart des justiciables, la réponse est négative, d'autant que même lorsque vous gagnez votre procès, il est très fréquent que vous n'obteniez pas le remboursement de l'intégralité des sommes que vous aurez avancées.

Il existe cependant des exceptions (et, oui encore des exceptions !). C'est le cas, par exemple, des personnes qui bénéficient d'une assurance protection juridique grâce à laquelle les frais seront payés par l'assurance, mais ça n'est pas gratuit puisque vous payez tous les mois une cotisation d'assurance. L'autre cas concerne les personnes les plus démunies dont les revenus sont faibles et qui pourront normalement bénéficier de l'aide juridictionnelle c'est-à-dire que les frais du procès seront pris en charge par l'Etat.

Alors, vous y croyez encore à la gratuité de la justice ?

dimanche 28 décembre 2014

Être condamné aux dépens, est-ce que ça fait mal ?

Le verdict vient de tomber, le Tribunal de Grande Instance vient de rendre son jugement dans le procès que la société Phylou et Cie, dont je suis le président dictateur général, vous avait intenté. Malheureusement pour vous, vous avez perdu. Et, alors que vous lisez le jugement rendu par le Tribunal, vous apercevez en dernière page et à la toute fin de la décision une petite phrase qui vous annonce que, non seulement vous devrez me payer une somme pour les frais d'avocat de votre humble serviteur (si, si, regardez bien le paragraphe qui vous annonce que vous êtes condamné à quelques milliers d'euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile... voilà, c'est ça!), mais, en plus, vous êtes condamné aux dépens.

Humour juridique
Au premier abord, vous pourriez penser que c'est une phrase toute faite du genre de celle que l'on retrouve souvent dans les documents juridiques (comme par exemple "Pour faire valoir ce que de droit" ou encore "Sous toutes réserves") et qui, en principe, ne porte pas à conséquence. Mais, autant vous le dire tout de suite, votre condamnation aux dépens vous allez en sentir les conséquences !

Déjà, si vous essayez de trouver un synonyme de "dépens" vous trouverez "frais" ... ce qui signifie donc que l'on va toucher à votre portefeuille. Si vous poussez vos recherches un peu plus loin, vous apprendrez que les dépens sont des frais liés au déroulement du procès et, si vous êtes encore plus curieux (et courageux), vous irez même lire l'article 695 du Code de procédure civile qui vous donne une liste de tous les frais qui se cachent derrière ce terme.

A partir de là, vous devriez commencer à vous inquiéter car la liste est longue et, en plus, vous y trouverez des choses dont vous ne saurez pas à quoi ils correspondent comme par exemple les "débours tarifés", les "émoluments", le "droit de plaidoirie"... Ce qui devrait également vous alarmer c'est que sur la plupart des sites on n'évoque jamais le montant de tous ces frais.

Alors je vais essayer de vous donner une petite idée de ce que vous aller devoir débourser. Il y a d'abord des sommes qui reviennent à l'institution judiciaire dont les frais d'enquête sociale (entre 600 et 700 €), la traduction d'actes et la rémunération d'un éventuel interprète, mais surtout le coût des expertises judiciaires, et là, les montants sont très variables puisque ça va de quelques centaines d'euros jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros selon le type d'expertise, le temps passé par l'expert... votre carte bleue peut donc sacrément chauffer, je vous le dis !

Ensuite, il y a des sommes qui reviendront à mon avocat et qui n'ont rien à voir avec ses honoraires (pour ma part j'ai renoncé à essayé de comprendre la justification de tous ces frais). La liste est relativement longue : 
Calcul du droit proportionnel
Le droit proportionnel
  • un droit fixe (6,59 € HT ... si vous avez cliquez sur le lien;, vous allez vous insurger car le texte parle de 5,49€. C'est vrai, mais un texte "provisoire" de 1975 prévoit une majoration de 20%), 
  • un droit proportionnel qui est un pourcentage dégressif des sommes qui vous étaient demandées par l'adversaire (voyez l'article 4 d'un décret de 1960 et ajoutez y la majoration de 20% évoquez ci-dessus) et, lorsque l'enjeu du procès n'est pas financier on parle de droit variable (entre 6,59€ et 131,89€ HT ... et là il faut lire avec attention les articles 13 et 14 du décret de 1960).
  • un droit de plaidoirie (13 € TTC), 
  • un droit gradué (comptez 15 € en général), 
  • les débours qui sont notamment des frais de photocopie (à raison de 0,39 € TTC par page pour les conclusions et les pièces communiquées, ce qui peut donc vite grimper) mais aussi les "actes du palais", c'est à dire des actes que votre avocat notifie à votre avocat adverse par l'intermédiaire d'un huissier audiencier (constitution, conclusions, bordereau de communication de pièces... qui vous coûterons chacun  1,10€ ... juste pour le plaisir, allez voir le décret de 1996 sur la tarification des frais d'huissier, tableau II, n°42 .... c'est tellement claire ! ).
Bien sûr, j'en oublie certainement et puis ces règles connaissent de très nombreuses exceptions... ce qui est un grand classique du droit où tous les principes ont des exceptions, sinon ce serait beaucoup moins drôle ! Et puis c'est pas comme si on nous rabâchait qu'il faut simplifier le droit.

Enfin, vous avez aussi les sommes qui vont directement aller dans ma poche en plus des dommages et intérêts mirifiques que le Tribunal m'a accordé. Il s'agit notamment du remboursement des frais d'huissier que j'ai dû payer pour vous faire délivrer l'assignation et vous notifier le jugement (en moyenne, il faut compter entre 50 et 100 € par acte d'huissier).

Mis bout à bout, vous sentez bien maintenant que votre condamnation aux dépens n'est pas juste une phrase anecdotique ! Comme je suis éminemment pervers, je jubile intérieurement. Bien sûr, comme vous aurez  du mal à évaluer vous même le montant des dépens, votre premier réflexe sera de téléphoner à votre avocat, mais il y a de grandes chances qu'il puisse pas vous répondre clairement tant le calcul des dépens est compliqué. D'ailleurs, ce qui devrait vous rassurer, c'est justement que du fait de la complexité des calculs, vous avez de grandes chances que l'avocat adverse ne réclame pas les dépens car il n'a pas envie de perdre son temps à vous préparer son "état de frais".

Mais, rassurez-vous, moi je vais m'empresser de vous adresser la note. Et puis, je vous déconseille de faire appel de ce jugement car, si vous perdez à nouveau (ce qui est certain vu la qualité de mes arguments juridiques), il faudra ajouter à ces dépens ceux de la procédure d'appel !
Voilà un exemple d'état de frais
Et voilà un exemple d'état de frais, maintenant il ne vous reste
plus qu'à me payer... et avec le sourire, s'il vous plait !

mercredi 22 octobre 2014

Faire financer son procès par le public : le crowdfunding judiciaire

Le crowdfunding, que l'on désigne en français par le terme "financement participatif", consiste à faire financer son projet par le biais de dons, de prêts ou d'investissements en capital en faisant appel au public. On en parle souvent concernant des projets artistiques (financement d'un album, d'un film...) ou commerciaux (financement d'un produit ou d'un service), mais désormais le virus touche aussi la justice. Et oui, récolter des fonds pour lancer une action en justice, ça va devenir tendance !

Le crowdfunding judiciaire
L'objectif serait de demander au public de faire des dons ou des prêts afin de financer un procès, notamment les honoraires d'avocat. Dans l'absolu, ce système parait intéressant car il faciliterait l'accès à la justice en permettant aux justiciables de s'engager dans une action judiciaire lorsqu'ils n'ont pas assez de moyens ou qu'il ne peuvent pas bénéficier d'une aide juridique (assurance protection juridique ou aide juridictionnelle). A première vue, pas de quoi râler donc !

Toutefois, plusieurs interrogations traverse mon esprit malade:

En premier lieu, ne vous leurrez pas, toutes les actions judiciaires ne pourront pas être financées via le crowdfunding. Plusieurs plateformes existent. En France, il y a par exemple le site Citizencase pour les associations défendant l’intérêt collectif dans les domaines de l’environnement et de la santé. Le site Wejustice (qui va être lancé au mois de novembre) concernera les actions judiciaires ayant un caractère solidaire ou collectif et le site ActionCivile s'adresse uniquement aux victimes de pratiques commerciales abusives ou illicites dans le domaine bancaire. Parfois, des sites de crowdfunding généralistes permettent de faire financer son procès comme ces parents d'élèves qui recherchent des fonds pour payer un avocat dans le cadre de leur lutte contre la ville de Marseille pour obtenir une garderie.

On voit donc que le crowdfunding ne concerne pas tout type d'action judiciaire, ce qui signifie qu'il y a une forme de sélection des "affaires" qui méritent d'être défendues. Certains domaines sont exclus et, en plus, il faut que le plaignant se présente comme une victime (qu'il le soit réellement ou qu'il pense l'être) d'un adversaire qui serait plus puissant, plus fortuné... Pour filer la métaphore, le crowdfunding serait ouvert à David dans son combat contre Goliath, mais si vous voulez combattre les nuisances sonores de votre méchant voisin, là il faudra vous débrouiller seul.

Le crowdfunding judiciaire
De gauche à droite : 
  • procès de M. Michu contre sa voisine qui laisse aboyer ses chiens toute la journée (pas financé car M. Michu il est pas beau et le chien de sa voisine il est trop mignon, le toutou à sa maman !)
  • action contre Apple pour concurrence déloyale (pas financé car les gens aiment trop leur iPhone pour faire la guerre à Apple), 
  • procès d'une victime de l'amiante (pas financé car c'est pas vendeur des gens malades qui toussent)
  • procès de l'Erika (pas financé car ça ne concerne que des oiseaux mazoutés et aucun bébé phoque)
  • action contre un méchant éleveur de chatons martyrisés (financé: la justice va pouvoir faire son oeuvre car les chats sur internet c'est vendeur)
Bien sûr, le but annoncé des plateformes de crowdfunding judiciaire est de rétablir l'équilibre entre les pauvres victimes qui n'ont pas de moyens et des méchantes sociétés. C'est gentil ça, non ? Sauf que rien n'empêchera quelqu'un qui a les moyens de financer lui même son action de faire appel au public car, a priori, on vous demandera pas de fournir votre avis d'imposition.

Tout cela n'est finalement pas bien grave en fait. Le principal problème d'un tel système c'est qu'elle va surtout favoriser des actions "vendeuses", qu'elles soient ou non justifiées. Tout dépendra de la capacité à se présenter sous un jour avantageux en présentant des arguments convaincants, même s'ils ne sont étayés par aucune preuve. Cela signifie que si la "victime" communique mal, n'est pas suffisamment convaincante, ou que son litige n'intéresse pas le plus grand monde, elle n'obtiendra pas de financement ... car c'est tout ou rien. Il faut donc que la cause plaise et, pour cela, il faudra faire une véritable campagne de communication (sur internet, dans la presse ...) pour vendre sa cause !

N'est-il pas dangereux que le crowdfunding judiciaire repose sur la capacité à communiquer ? Cela e risque-t-il pas de mener  à une forme de marketing judiciaire où seront financées les actions qui plairont au public ?

pages prec. suiv.