mardi 18 mars 2014

Nul n'est sensé ignorer la loi

mardi 18 mars 2014 | Tags: , ,
Malgré la multiplicité des normes juridiques, nul ne peut invoquer l’ignorance d’une loi pour échapper à une sanction. Pourquoi ? Parce que, sinon, ce serait la fin de la justice, de la cohésions sociale et de l’égalité entre les citoyens. Voilà comment justifier cet adage pourtant contraire au bon sens.

Le droit c'est du chinois
J'hésite : apprendre le droit ou bien le chinois ! L'un comme
l'autre me sont énigmatiques et j'ai beau essayer, je n'y comp-
-rend rien... Oh cruel dilemme !

Certains croient pouvoir échapper à la loi en prétendant qu'ils ne savaient pas, qu'ils ignoraient qu'une règle juridique leur interdisait de faire telle ou telle chose.... Ah les naïfs !
- Je ne savais pas moi M'ssieur l'Juge qu'il fallait déclarer ses impôts. J'ai jamais rien reçu du Trésor Public.
- Ce n'est pas une excuse, Monsieur Phylou, vous n'avez jamais entendu l'adage : "Nul n'est sensé ignorer la loi" venant de l'idiome latin "nemo censetur ignorare legem" ?

Sans qu'il ait eu le temps de répondre, le juge le condamna sévèrement pour sa mauvaise foi évidente car, bon, hein, non mais, il le savait forcément que le citoyen n’a pas le droit de ne pas connaître la loi.

C'est donc avec un petit rictus satisfait et le sens du devoir accompli que le juge fit appeler l'affaire suivante qui allait voir un prétendu "ignorant" des lois passer sous les fourches caudines de la justice (vous noterez la subtile référence latine à la bataille du même nom, vraiment ce juge à des références !). Comment osent-t-ils, tous ces sacripants feindre l'ignorance alors qu'il leur suffirait de connaître les 68 codes juridiques (composés de plusieurs centaines, ou plusieurs milliers d'articles) ainsi que quelques centaines de milliers de textes non codifiés (lois, décrets, ordonnances, arrêtés, circulaires), sans compter les règles édictées par les tribunaux eux-mêmes dans leur jurisprudence.

Oui, mais là, attention, je crois que ce juge se trompe. En effet, le formidable site vie-publique.fr (édité par la Direction de l’information légale et administrative) vient nous expliquer dans un non moins brillantissime article que :
"Ce célèbre adage ne signifie pas que tout citoyen est censé connaître l’ensemble des textes législatifs et réglementaires..."
Ouf, il ne s'agit donc pas de tout savoir ! Et pourtant on nous précise que sans ce principe :
"... il suffirait à toute personne poursuivie sur le fondement d’une loi d’invoquer (et même de prouver) son ignorance du texte en cause pour échapper à toute sanction. Le Conseil constitutionnel, conscient de ce problème, a dans une décision de 1999 créé un nouvel objectif de valeur constitutionnelle : l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi." 
Donc, on n'est pas obligé de savoir qu'une règle existe mais si on la viole sans le savoir, et bien, on est sanctionné... C'est beaucoup plus clair, non ? Heureusement, le Conseil Constitutionnel nous dit que vous ne serez sanctionné que si la loi est ...
  • accessible : c'est-à-dire que vous puissiez facilement la consulter (l'abonnement au journal officiel devrait être obligatoire car quand même c'est plus agréable à lire que le Canard Enchaîné, et puis pour les plus branchés, rien de tel que la lecture de la newsletter d'un site d'information juridique le matin en buvant le café)
  • et intelligible : la loi doit-être compréhensible (bon il n'est pas précisé qu'elle devait être comprise, ni qu'elle devait être compréhensible par tous, sinon là, cela ne concernerait plus qu'une poignée de personne ... je dis pas ça pour vous, évidemment)
Un exemple, la capitalisation des intérêts. Je sais c'est barbare dit comme ça, mais l'article 1154 du Code Civil qui prévoit cette règle est "intelligible" : 
"Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière." (article 1154 du Code Civil)
C'est quand même plus clair, non ? Et puis vous pourrez pas dire que vous ignoriez l'existence de texte car il est en vigueur depuis 1804, donc pas la peine de dire que vous n'aviez pas lu le journal officiel depuis une semaine. Pour ceux qui feindraient de ne pas comprendre ce texte parfaitement compréhensible pourtant, il s'agit du fait que lorsque vous deviez une somme augmentée des intérêts légaux, et bien au bout d'une année, si vous n'avez pas tout payé, vous devrez non seulement la somme restante et les intérêts, mais aussi des intérêts calculés sur les intérêts déjà dus.

Finalement, notre juge passionné de latin avait raison, le prévenu était coupable même s'il ignorait la loi et même s'il ne l'avait pas comprise. Bien fait ! 

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