La circulation alternée, un système prévu par une loi de 1996 qui est appliqué 18 ans après. |
Comme tous les matins, Marc leva les yeux embrumés, se rendit dans la cuisine où il avala deux tartines de pains puis alluma une cigarette tout en sirotant son café. Ensuite, il se doucha et s'habilla avant de monter dans sa voiture pour se rendre au bureau. Comme à son habitude, il attrapa son paquet et alluma sa deuxième cigarette de la journée, entrouvrant légèrement la fenêtre pour laisser la fumer s'échapper.
Sur la route, qu'il connaissait par cœur pour l'avoir empruntée pendant des années, il vit au loin un véhicule de police et il fut pris d'une légère angoisse (comme tout le monde puisque l'on sait bien que même si l'on a rien à se reprocher, ben... on sait jamais ce qui peut arriver). À mesure qu'il approchait, il pris un air décontracté espérant sans doute que cela lui permettrait d'échapper à un contrôle dont il craignait toujours qu'il se termine mal. Pour se décontracter, il alluma la radio et entendit :
"... en cette journée particulièrement chaude et polluée, la Préfecture de Police confirme l'interdiction faite à toute personne née un jour impair de fumer conformément à la loi sur la prévention de la tabacologie et la préservation de l'air. Demain, ce seront les fumeurs nés un jour pair qui devront s'abstenir. Les contrevenants seront ...."
Le contrôle de police est toujours un moment de doute intense sur le fait que l'on est quelque chose à se repr- ocher. (source: monsieursan, Flickr) |
Il sentit une goutte de sueur glisser dans son dos, réalisant qu'il était en infraction. Il écrasa rapidement sa cigarette, ouvrit sa fenêtre tout en se rappelant qu'ayant reçu des amis dans la soirée, il n'avait pas écouté les informations et ignorait donc totalement que la consommation alternée de tabac avait été décidée pour aujourd'hui. Mais bon, comment aurait-il pu deviner ? Qu'allait-t-il devenir ?
Il fut interrompu dans ses interrogations par le geste du policier au bord de la route qui lui demanda de se ranger sur le bas côté. Il hésita deux secondes à ne pas obtempérer mais ralenti, se gara et ouvrit sa fenêtre à l'approche du policier.
- Bonjour Monsieur, Police Nationale. Vous savez sans doute pourquoi nous vous contrôlons ?
- Non Monsieur.
- Veuillez me présenter vos papiers d'identités et ceux du véhicule.
- Bien sur, mais pourquoi me contrôlez vous ?
Le policier ne répondit pas, observa mes papiers et me demanda :
- Avez-vous fumé aujourd'hui ?
- Euh ... pourquoi ?
- Je vais vous demander de sortir de votre véhicule et de me suivre.
- Oui, mais que ce passe-t-il ?
- Veuillez souffler dans cet appareil, me dit-il en me tendant un tube.
Marc avait encore en tête le message entendu à la radio, mais il espérait toujours qu'il recherchait uniquement à vérifier s'il avait consommé des stupéfiants. Lorsque le tube se mis à changer de couleur pour prendre une teinte marron, le policier se tourna vers lui :
- Je vais être obligé de vous verbaliser Monsieur. Vous saviez bien qu'aujourd'hui seuls les personnes nées un jour pair avaient le droit de fumer !
- Bah, non, je ne savais pas, balbutia-il en prenant la mine la plus stupéfaite du monde et un air de chien battu qui, l'espérait-il, attendrirait suffisamment ce policier pour qu'il le laisse repartir tranquille.
Malgré ses protestations, Marc récolta une jolie amende de 22 €. Voila ce que c'est de ne pas respecter la loi sur la tabacologie alternée, non mais il n'a pas pensé à l'environnement, la pollution de l'air et la contamination des enfants et des bébés chats à cause de ses maudites cigarettes. Qu'il veuille entretenir son cancer d'accord (c'est ça la liberté) mais qu'il pense aux autres et surtout à ceux qui, contrairement à lui, sont nés un jour pair et vont donc fumer deux fois plus aujourd'hui pour se préparer à la journée de disette de demain. D'ailleurs, ils seront bien déçus ceux là car en fait, demain la mesure d'interdiction sera levée et l'alternance n'aura donc été appliquée que sur une journée.
* * *
Ah zut, moi qui habite à Marseille et qui suit sur la route pour Paris, je vais devoir laisser ma voiture à 50km de la capitale... pas pratique ça ! |
Vous n'avez pas le droit d'ignorer une mesure prise par un préfet 48 heures avant ! C'est vrai que c'est un peu court, mais à l'air du tout numérique et de la sur-information, vous n'avez aucune excuse (n'essayez même pas de vous défendre, vous êtes coupable, un point c'est tout). Vous allez me dire, oui mais je pouvais pas savoir moi, Monsieur l'agent. Que nenni ! Vous devriez constamment être branché sur le site de la Préfecture de votre département et sur celui de Légifrance (site qui recense les lois et décrets qui paraissent tous les jours) pour vous tenir au courant. Bah oui, c'est ça un Etat de droit, c'est à vous de savoir ce qui est permis ou non, même si de nouvelles règles apparaissent tous les jours, d'autant plus que tous ces textes sont très faciles à lire.
Par ailleurs, la mesure de circulation alternée a été levée le jour même à minuit. L'alternance n'a donc été expérimentée que sur une seule journée alors que la définition même du terme est celui d'une succession dans le temps. Bon ça c'est pas bien grave, allez vous dire. C'est vrai mais pensez à ceux qui avaient une voiture immatriculée impair et bien ils n'ont pas été affectés par la circulation alternée contrairement aux "pairistes" qui trouvent donc la mesure forcément injuste. Effectivement, une mesure qui touche que la moitié des automobilistes ça ne parait pas très égalitaire. D'autant que la seule autre fois où la mesure avait été mise en oeuvre était le 1er octobre 1997, encore une journée impaire (moi je crois qu'il y a un véritable complot anti "impairistes").
L'effet positif de cette mesure sur la pollution ? L'association Airparif, en charge de mesurer la qualité de l'air en Île de France, indiquait lundi matin que le niveau était acceptable alors que la circulation alternée était en vigueur et, le lendemain matin, alors que la circulation alternée avait été suspendue, elle précisait que le niveau était à peu près identique à la veille. Ah bon, ça signifie quoi alors ? Soit que la circulation alternée n'a rien changée, soit que d'autres facteurs sont à prendre en compte, mais dans tous les cas cela démontre surtout que nous sommes incapables de déterminer précisément l'impact d'une telle mesure sur la pollution de l'air.
En revanche, cette mesure a eut un effet bénéfique puisque près de 4000 conducteurs verbalisés dans la seule région parisienne pour avoir osé prendre leur véhicule immatriculé pair un jour réservé aux véhicules impairs. A raison de 22 € d'amende à chaque fois, le bilan est de 88.000 € pour l'Etat ce qui ne couvre évidemment pas le coût des policiers mobilisés pour cette opération (279 points de contrôle avec deux ou trois policiers à chaque fois).
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