Chaque citoyen est tenu de respecter l'ensemble des lois qui s'applique sur le territoire français. Chacun devrait donc pourvoir prendre connaissance facilement des textes juridiques tout en les comprenant aisément. Accessibilité et d'intelligibilité du droit, voilà deux principes pourtant trop fréquemment bafoués.
Si on se met à faire des lois claires, que vont devenirs les professionnels du droit ? |
Tout le monde connaît l'adage "nul n'est sensé ignorer la loi", mais vous lirez partout que cette phrase ne signifie pas que vous devez connaître toutes les règles de droit, qu'il s'agit d'une fiction juridique, blabla blabla... Bref, vous ne pouvez pas tout savoir, mais vous devriez être en mesure de le faire.
Cette subtile distinction a été mise en évidence par le Conseil constitutionnel dans une décision du 16 décembre 1999 dont voici un extrait :
[Il existe un] objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en effet l'égalité devant la loi, énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et « la garantie des droits » requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu'une telle connaissance est en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel « tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas »
En gros, cela signifie que le législateur a l'obligation de faire des textes plus lisible et plus accessible, afin que le droit ne soit pas réservé aux seuls spécialistes. Cette volonté a été réaffirmé dans un rapport de l'OCDE et de la communauté européenne [pdf] datant de 2006 qui souligne la nécessité que la législation soit claire, simple et efficace.
Bon alors, maintenant, ami rédacteur, tu es chargé de faire des textes qui sont compréhensibles, compris ? Et puis, pour t'aider, il y a un joli guide de légistique (si, si, le terme existe et désigne l'ensemble des méthodes et conventions de rédaction des textes normatifs - choisir un terme barbare pour un guide destiné à rendre les textes compréhensibles... il y en a qui ont de l'humour).
Alors, voyons un peu les efforts faits par les rédacteurs depuis que ces recommandations ont été faites.
Premier exemple, l'article 6-1 introduit en 2007 dans la loi du 6 juillet 1989 (c'est la loi qui concerne la plupart des locations d'appartements ou de maisons) :
Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d'habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux.
En gros, cela signifie que si un locataire cause des problèmes c'est le propriétaire qui doit faire cesser les troubles. Je pense qu'on aurait pu trouver plus simple comme formulation plutôt que de faire des phrases inutilement longues, du genre : "Si un locataire cause des troubles de voisinage, le propriétaire doit lui adresser une mise en demeure de cesser puis, s'il continue, il doit agir". Vous allez me dire, ah oui et combien de temps doit-il attendre après la mise en demeure ? Et, puis concrètement, comment peut-il agir ? Ne faites pas les malins, si je ne le précise pas c'est parce que le texte initial est lui aussi muet à ce sujet. Eh oui, même en simplifiant, il faut penser efficacité, et là, le législateur n'a rien prévu.
Second exemple de texte qui, lui, a le mérite d'être court. L'article 2398 du Code civil, dont la création remonte à 2006 (pour être honnête, ce texte existait depuis 1804, mais il a été renuméroté en 2006), prévoit que :
Les meubles n'ont pas de suite par hypothèque.?!? Exactement ! On ne comprend rien me direz vous ? C'est vrai, mais c'est uniquement parce que vous ne savez pas lire le droit, car il suffit de prendre la phrase à l'envers : "hypothèque pas sur les meubles" (on ne peut prendre une hypothèque sur des meubles). Et alors, pourquoi le législateur qui a pris la peine de renuméroté cet article en 2006, n'en a pas profité pour reformuler le texte en français compréhensible ? Arrêtez-de poser toutes ces questions ! Il faut bien laisser au droit une part de mystère.
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